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Adaptation chromatique (1er épisode) : couleur de la banane

Si vous braquez un rayon lumineux de longueur d’onde 580 nm sur une malheureuse victime, elle avouera sans tarder qu’elle le trouve jaune. Mais cette observation directe d’une  source lumineuse n’est pas la situation habituelle de notre perception du monde. Ce que nous contemplons en général, ce ne sont pas des projecteurs dirigés sur nos yeux mais des objets, eux-mêmes éclairés par des sources lumineuses, par exemple une banane au soleil.

Après un premier article décrivant la procédure qu’Adobe appelle la « compensation du point noir », poursuivons notre série sur la gestion des couleurs par un feuilleton de quatre courts épisodes qui nous conduira de la flexibilité de la perception visuelle jusqu’à la correction de balance des blancs d’une photographie.

Pourquoi la banane est jaune

Nous trouvons qu’une banane est jaune parce que, si on l’éclaire avec une lumière blanche, sa surface renvoie vers nos yeux un rayonnement de couleur jaune, c’est-à-dire un rayonnement dont la longueur d’onde est d’environ 580 nm. Sans la présence d’un observateur humain, la banane ne serait ni mangée ni jaune, car l’identification de sa couleur est entièrement imputable à la perception visuelle. Sans l’espèce humaine, la banane n’aurait pas plus de couleur que de goût ! Notez que, dans l’obscurité, la banane a bien du goût mais n’est pas jaune car aucune source de lumière blanche ne vient l’éclairer pour qu’elle réfléchisse un rayonnement de cette couleur…

Voyons maintenant comment la surface de la banane convenablement éclairée réfléchit un rayonnement de couleur jaune. Nous apprendrons plus loin dans le livre (La gestion des couleurs pour les photographes, les graphistes et le prépresse, à paraître fin octobre) précisément ce qu’est une lumière blanche. Vous découvrirez même à cette occasion que l’étude de la « couleur des blancs » est un point central de la gestion des couleurs.

Pourquoi la banane est jaune

Éclairée par une lumière blanche, la peau de la banane renvoie le jaune vers l’œil et absorbe les autres couleurs. Un objet gris renvoie vers la vision un rayonnement identique à celui qui l’éclaire.

Contentons-nous pour l’instant de l’approximation newtonienne suivante : une lumière perçue comme blanche par un observateur est constituée par le mélange d’une multitude de rayonnements portant toutes les couleurs du spectre. La lumière blanche qui éclaire la banane, qu’elle provienne du soleil ou d’une lampe de bureau, est donc en gros constituée par le mélange de rayonnements violet, bleu, vert, jaune, rouge… Eh bien, ce que l’on appelle la « couleur jaune » de la banane, c’est tout simplement l’aptitude de sa surface à « trier » ces divers rayonnements colorés : elle absorbe les rayonnements violet, bleu, vert, orange, rouge mais elle réfléchit le rayonnement jaune vers notre rétine.

Voilà pourquoi la lumière qui nous parvient de la peau de banane est à la fois de couleur jaune et d’intensité plus faible que le rayonnement blanc qui l’éclaire, les rayonnements des autres couleurs qui participent à l’énergie transportée par la lumière blanche sont en effet passés à la trappe de l’absorption par la surface du fruit. Quant à un objet gris, c’est-à-dire achromatique, c’est tout simplement un objet qui renvoie vers la vision un rayonnement de spectre identique à celui qui l’éclaire.

Ajoutons au passage que les rayonnements non jaunes absorbés par la surface de la banane la chauffent et la font mûrir. C’est pourquoi les navires bananiers maintiennent leur dangereuse cargaison dans l’obscurité, sous peine de déclencher un processus de mûrissement et un dégagement de chaleur pouvant conduire le chargement du vaisseau à de funestes explosions…

Notons par ailleurs qu’un objet non plus réfléchissant mais transparent, un filtre jaune de photographe par exemple, apparaît comme étant de couleur jaune quand on regarde une source blanche à travers lui, parce qu’il ne se laisse traverser que par le rayonnement jaune et absorbe tous les autres faisceaux lumineux colorés.

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Ce billet est un extrait du chapitre 1 de La gestion des couleurs pour les photographes, les graphistes et le prépresse, à paraître aux éditions Eyrolles le 25 octobre (520 pages – 39 euros – ISBN : 978-2-212-13297-7).

Couverture nouveau livre Delmas

Au sommaire:

Colorimétrie. Trichromie, perception visuelle des couleurs ● Représentation d’une couleur dans le modèle RGB ● Espace colorimétrique CIE 1931 ● Espace ● Diagramme de chromaticité xy ● Calculer les composantes XYZ d’une couleur ● Le métamérisme ● La couleur blanche est celle d’un corps noir ! ● CIELAB et CIELUV ● Modèles intuitifs basés sur teinte, chroma/saturation et clarté ● Mesure des différences de couleur ΔE ● CMJN et la synthèse soustractive des couleurs

Numérisation des couleurs, gamma. Nombres RGB et profondeur de couleur ● Dangers d’une profondeur de couleur de 8 bits dans le mode Lab ● Quelle profondeur de couleur adopter ? ● Gamma et courbe de réponse d’un appareil ● Gamma d’une chaîne graphique ● Mésaventures de quantification

Gérer les couleurs, pourquoi, comment ? Espace colorimétrique d’un appareil ● Profil ICC d’un appareil ● Flux de gestion des couleurs ● Espaces de travail RGB ● Profil d’une image ● Comment choisir son espace de travail RGB ● Gestion des couleurs sur Internet

Conversion colorimétrique et anatomie des profils. Adaptation chromatique et balance des blancs ● Le mode de rendu, un concept essentiel ● Profils ICC et systèmes d’exploitation ● Anatomie des profils ICC

Images et gestion des couleurs, Photoshop. La boîte de dialogue Couleurs ● Séparation des couleurs et paramètres CMJN ● Modifier le profil d’une image : attribution ou conversion ? ● Imprimer avec Photoshop ● L’épreuvage avec Photoshop

Documents et gestion des couleurs, InDesign, Illustrator, PDF/X. Synchronisation des paramètres Couleurs avec Bridge ● Gestion des couleurs avec InDesign ● Imprimer un document avec InDesign ● L’épreuvage avec InDesign ● Gestion des couleurs avec Illustrator ● Produire un fichier PDF imprimable

Poste de travail et écran d’affichage. Synthèse additive RGB dans un écran LCD ● Outils de calibrage-caractérisation ● Choisir les cibles de calibrage d’un écran ● Calibrer-caractériser votre écran ● Vérification du calibrage et du profil ICC ● Environnement du poste de travail

Photographie : APN, développement RAW, scanner. APN, capteur et dématriçage ● Lightroom et gestion des couleurs ● ACR ● La balance des blancs ● Caractérisation d’un APN ● Caractérisation d’un scanner

Imprimantes : caractérisation, contrôle. Principes de caractérisation d’une imprimante ● Caractériser une imprimante RGB ● Caractériser une imprimante CMJN

 

 

 

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