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Calibrer un écran ? Normes ISO et autres préconisations

Tout photographe sait aujourd’hui que son système d’affichage est la pierre angulaire de la gestion des couleurs. Ne pas le calibrer selon les spécifications ICC serait d’autant plus impardonnable que, désormais, grâce aux instruments et logiciels mis sur le marché par GretagMacbeth, Datacolor ou Integrated Color Corp., cette opération est facilement abordable, tant du point de vue financier qu’en termes d’acquisition de compétence.

Tout photographe sait aujourd’hui que son système d’affichage est la pierre angulaire de la gestion des couleurs. Ne pas le calibrer selon les spécifications ICC serait d’autant plus impardonnable que, désormais, grâce aux instruments et logiciels mis sur le marché par GretagMacbeth, Datacolor ou Integrated Color Corp., cette opération est facilement abordable, tant du point de vue financier qu’en termes d’acquisition de compétence.

Le réglage-calibrage d’un écran recèle pourtant quelques pièges. Notons d’abord que l’impression visuelle donnée par une image affichée sur un écran est influencée par son environnement : intensité et couleur de l‘éclairage ambiant, teinte des murs, couleur de la chemise portée par l’observateur… Plus grave encore, si l’observateur de l‘écran cherche à comparer son affichage avec une version sœur couchée sur papier, alors la perception visuelle de leur ressemblance/dissemblance peut être altérée par l’intensité et la couleur de l‘éclairage sous lequel est placé le papier, ainsi que par la nature du papier, sa couleur, sa texture…


Poste de travail pour comparaison écran-papier avec une boîte à lumière Color Communicator2 (Just Normlicht).

Autre piège du calibrage : celui de l’influence de la “luminosité” de l‘écran, c’est-à-dire de la luminance maximale générée par les pixels blancs (R=V=B=255). Compte tenu des performances aussi mirobolantes qu’inutiles accomplies aujourd’hui par les écrans LCD en la matière, les fabricants d‘écrans plats, y compris certains constructeurs prestigieux de matériels pour arts graphiques comme LaCie, ont pris la désagréable habitude de les régler en sortie d’usine sur une luminance du blanc dépassant 200 cd/m2, voire 300 cd/m2, ce qui est trois fois la valeur raisonnable. L’acheteur est d’abord ébloui, au sens figuré, par cet exploit, puis il ne tarde pas à être ébloui au sens propre.
Les dégâts commis par une luminance exagérément élevée sont de plusieurs ordres : exposition du photographe à un rayonnement traumatisant sans qu’il puisse nourrir l’espoir d’en tirer le moindre hâle, diminution de la durée de vie de l’appareil, et surtout, garantie que les photographies imprimées sur une imprimante à jets d’encre ou tirées par son laboratoire favori seront plus sombres que ce qu’il pensait obtenir en corrigeant l’image sur son écran trop lumineux…

Bref, remercions l’ISO (International Organization for Standardisation) d’avoir cherché à en finir avec cette débauche malfaisante de candelas tueuses et d’avoir fixé des cibles de réglage standard pour les postes de travail de traitement photographiques.

Les normes qui nous intéressent ici ont été conçues par deux comités techniques nommés “Graphic Technology” et “Photography” ainsi que par l’ICC, dont les spécifications en matière de gestion des couleurs acquièrent automatiquement le statut de norme ISO depuis 2003. Remarquons aussi que la norme ISO 12646 qui définit les conditions dans lesquelles on peut comparer une image imprimée avec sa sœur jumelle affichée sur un écran a été révisée très récemment puisque sa seconde édition est datée du 1er juin 2008 :

  • ISO 3664 :2000 “Conditions d’examen visuel – Technologie graphique et photographique” ;
  • ISO 12646 :2008 “Technologie graphique – Affichage pour la réalisation d‘épreuves en couleur – Caractéristiques et conditions d’examen visuel” ;
  • ISO 15076-1 ou ICC.1 :2004-10 “Image Technology colour management – Architecture, profile format, and data structure”.

Les photographes ou les concepteurs/architectes de studios de traitement graphique qui souhaitent approfondir ces questions peuvent se procurer ces trois documents. Le dernier est téléchargeable gratuitement sur le site de l’ICC alors que les deux autres doivent être achetés, pour une cinquantaine d’euros chacun, sur la boutique en ligne de l’ISO

En se focalisant sur les besoins des photographes, cet article propose une synthèse-interprétation des préconisations édictées par nos standardisateurs. J’apporte quelques commentaires personnels à la norme, car certaines de ses recommandations ne me paraissent pas applicables aveuglément à toutes les situations.

Quand votre logiciel de calibrage d‘écran, associé à un colorimètre ou à un spectrophotomètre, vous demande de lui donner les paramètres cibles que vous souhaitez appliquer à votre affichage, il vous arrive sans doute d’hésiter entre plusieurs options concurrentes. Quelle température proximale de couleur dois-je adopter ? Quel gamma ? Soyez désormais rassuré, l’ISO s’est occupée de vous et préconise désormais des valeurs pour :

1. le point blanc, c’est-à-dire la température proximale de couleur du blanc (R=V=B=255) affiché par votre écran,
2. la luminance maximale, c’est-à-dire la luminance de ce blanc,
3. le coefficient gamma, qui définit la courbe de répartition des valeurs de luminance entre le blanc et le noir (R=V=B=0).


Paramètres cibles de calibrage demandés par le logiciel Eye-One Match

L’ISO préconise non seulement les valeurs des paramètres de calibrage, ce qui est assez facile à appliquer, mais aussi les conditions à respecter pour l’environnement du poste de travail, ce qui est plus délicat : éclairage ambiant, couleur des vêtements que vous portez face à votre écran… Ces dispositions sont importantes quand l’affichage est lié à l’existence présente ou future d’une image imprimée ou tirée sur un support papier. C’est le cas, par exemple, quand, pour optimiser une photographie destinée à l’impression, vous affichez une “épreuve” simulant ce que sera la future image sur papier (épreuvage Photoshop, soft proofing). Il est alors nécessaire que les conditions de la comparaison écran/papier soient bien contrôlées. Une grande partie de la récente norme ISO 12646 est focalisée sur cette question en standardisant les rapports entre le rayonnement de l‘écran, l‘éclairage ambiant et l‘éclairage de l’image sur papier…

Livres conseillés sur ce sujet

22 commentaires “Calibrer un écran ? Normes ISO et autres préconisations

  1. Voilà encore un article du Grand Jean (par opposition à Petit Jean) qui comme à son habitude est clair, concis, précis avec les pointes d’humour qui vont bien.

    C’était un plaisir de livre votre ouvrage (excepté les pages de formules que j’ai allègrement survolées vu que mon niveau n’est pas de seconde mais de bac -3) et ce plaisir est renouvelé à vous lire ici.

    J’aime ce ton pédagogique et aimerais que tout nos professeurs du web en prennent de la graine.

    Bravo et encore merci,

    Valery

    PS: question subsidiaire à 1€: quel serait à l’heure actuelle la sonde la plus honnête et bon marché pour calibrer mes écrans?

  2. Effectivement très bon article, à la fois précis et PRAGMATIQUE!
    J’ai acheté votre livre pour approfondir un peu plus, mais n’ai pas encore eu le temps de m’y plonger 🙂
    On a déjà ici un bon point de départ (en plus j’ai acheté la sonde qui est prise en exemple).
    Je trouve surtout utile de préciser que le choix de la luminosité est importante, mais que l’œil peut s’adapter au niveau de la T° de couleur… dans certaines conditions (éclairage ambiant pas trop fort pour que l’œil ne soit pas influencé, « pièce blanche »…)

  3. Merci pour cet article qui a le mérite de la clarté et de répondre aux questions auxquelles je ne trouvais aucune réponse précise, comme l’utilité et la pertinence du point blanc natif ou de la T° « L ».

    PS. Valery, est-ce toi qui t’occupe de Bibble ? Moi, c’est Gilles d’Utiliser-Lightroom …

  4. Merci pour vos commentaires.

    Venons en à la question à 1 €. Les colorimètres modernes aujourd’hui sur le marché (X-Rite Eye-One Display2 et Datacolor Spyder3) sont de bons instruments de mesure. Je n’aurais pas fait la même réponse naguère, quand Colorvision commercialisait les sondes Spyder1 puis 2, qui étaient des instruments moins précis que leurs concurrents (DTP94 de X-Rite et Eye-One Display 1 puis 2 de GretagMacbeth).

    Entre les colorimètres Eye-On Display2 et Spyder3, les principales différences résident dans les logiciels qui leurs sont associés. Ma préférence va vers Eye-One Match car il fonctionne aussi avec le spectrophotomètre Eye-One Pro, ce qui permet une migration sans douleur quand on décide d’investir dans un tel instrument pour calibrer une imprimant ou un APN…

    Le colorimètre le plus précis est sans doute le défunt X-Rite/Monaco DTP94 mais il ne permet pas la mesure de l’éclairage ambiant et n’est plus disponible en France. Il peut cependant être acheté sur le site d’Integrated Color Corp en « bundle » avec le logiciel (excellent mais sans version français) ColorEyes Display Pro.

  5. Oui (si Volker dit maître à M. Delmas, alors que dois-je dire, je suis baba?)

    Monsieur l’écrivain de talent (ça doit plaire ça),

    Vraiment merci pour la réponse à la question à 1€. Je sais ce qu’il me reste à acheter maintenant pour ensuite peaufiner mon GNU/Linux/Ubuntu 64 bits (ouf).

    Merci,

    Valery

  6. Je calibre mes écrans depuis longtemps (très longtemps…)
    Mais cette mise au point claire, compréhensible, et agréable a lire fait du bien et rappel quelques notions particulièrement utile.
    Bravo et merci.

  7. Kagou, excusez ma réponse tardive mais je voulais vérifier auprès des spécialistes X-Rite qu’il n’y avait pas de fait nouveau ou prévisible à court terme susceptible de modifier ma réponse…

    Le ColorMunki est un excellent instrument de mesure, dont la rumeur assure qu’il est basé sur le même dispositif de capture que celui qui est incorporé dans la gamme Eye-One Pro, vaisseau amiral de la maison X-Rite/GretagMacbeth.

    Mais X-Rite présente le ColorMunki comme une combinaison instrument-logiciel destinée aux photographes ou graphistes qui ne souhaitent PAS plonger dans les finesses du vocabulaire colorimétrique (coefficient gamma, valeur de luminance maximale…) Le logiciel du ColorMunki ne permet donc PAS de fixer d’objectifs pour le gamma ou la luminance du blanc.

    Pour le gamma, il adopte la valeur 2,2 ce qui est bien. Pour la luminance, il propose une fonction d’optimisation, dont X-Rite dit qu’elle est basée sur les niveaux qui sont déjà suggérés par le logiciel Eye-One Match 3. Pour un écran LCD, la version précédente de ce logiciel suggérait 140 cd/m2 ce qui était bien trop élevé. La version actuelle préconise 120 cd/m2 ce qui reste élevé tout en étant plus raisonnable.

    Une anecdote pour conclure. Lors d’une présentation du ColorMunki organisée par un grand distributeur international à l’occasion du lancement du système, le patron du distributeur définit son marché cible en me répondant en substance « si vous me parlez de DeltaE, de gamma ou de luminance, le ColorMunki n’est pas pour vous. Il vaut mieux que vous achetiez un système de la gamme Eye-One ». Je vous ferai une réponse analogue : si vous souhaitez régler votre écran sur une valeur spécifique de luminance maximale, par exemple 90 cd/m2, achetez plutôt un Eye-One Display2 qu’un ColorMunki…

  8. Merci pour cette réponse des plus instructive.

    Je regrette néanmoins que ce soit (encore une fois) le logiciel qui limite le matériel, dans notre cas la sonde. Car on pourrait imaginer que le projet Argyllcms supporte le ColorMunki et dès lors il serait possible de définir la luminance voulue avec cette sonde et peut être révéler son potentiel comparé aux autres sondes.

  9. Kagou, vous avez parfaitement raison, l’instrument de mesure ColorMunki pourrait être piloté par un tout autre logiciel que celui qui l’accompagne. Il pourrait par exemple être géré par le logiciel X-Rite Eye-One Match fourni avec les instruments de la gamme Eye-One, qu’il s’agisse du colorimètre Eye-One Display2 ou du spectrophotomètre Eye-One Pro… Mais il ne semble pas, pour l’instant, qu’une telle polyvalence soit envisagée par le marketing X-Rite…

    Argyllcms fonctionne aujourd’hui avec « tous » les instruments GretagMacbeth/X-Rite, y compris des modèles anciens disparus des catalogues depuis plusieurs années, mais il n’est pas encore compatible avec le ColorMunki…

  10. En ce moment on parles de plus en plus d’écrans wide gamut et c’est ce que les industriels vont nous vendre après avoir tous achetés des 22 ou 24 pouces LCD. Je me demandais si ce type de sondes seront encore fonctionnelles ou bien vendront-ils des sondes wide gamut. Ma logique voudrait que ces sondes soient polyvalentes, mais j’ai comme un affreux doute.

  11. Valery Landon, vous avez théoriquement raison. L’augmentation des gamuts des écrans pour arts graphiques pourrait poser un jour un problème à certains colorimètres dont les capacités sont limitées. Mais aujourd’hui, les sondes X-Rite DTP94 (alias Monaco OPTIX XR) et X-Rite/Gretag Color-Eyes Display2 savent parfaitement calibrer les écrans à large gamut commercialisés par Eizo/LaCie/NEC. Certains de ces écrans sont d’ailleurs commercialisés en bundle avec un Color-Eyes Display2. Il reste que certains colorimètres relativement récents comme le Datacolor/ColorVision Spyder2 rencontrent déjà des difficultés avec de tels écrans…

    Il faut noter que que si on emploie un spectophotomètre au lieu d’un colorimètre (par exemple un Eye-One Pro ou un ColorMunki), ce risque n’existe pas. En effet, ces instruments ne cherchent pas à simuler la perception visuelle par des capteurs munis de filtres colorés dont les capacités sont limitées, il mesurent les spectres, ce qui est une mesure physique « absolue » et ils en déduisent par calcul les « composantes trichromatiques » XYZ/Lab de la couleur perçue en se basant sur les fonctions colorimétriques CIE qui modélisent la vision humaine des couleurs.

  12. M. Delmas, je vous remercie pour cette réponse on ne peut plus claire (une habitude chez vous). Et merci aux éditions Eyrolles (Stéphanie Poisson entre autre) de nous permettre d’être en contact avec nos auteurs favoris 🙂

  13. M. Delmas : savez vous si la fréquence d’affichage influence le calibrage et caractérisation d’un même écran et s’il faut donc refaire un nouveau profil ? Étant sous Linux, si je ne fais rien mon écran (BELINEA 101910) tourne à 60Hz, mais si je décide de passer avec les pilotes propriétaires (nvidia) j’ai la possibilité de passer à 75Hz. Donc 1/ la fréquence joue-t-elle sur le rendu de l’écran et 2/le changement de pilote (libre->proprio) ou plus généralement une mise à jour du pilote installé nécessite-t-il de refaire un nouveau profil ?

  14. Kagou : comme vous le savez, l’établissement d’un profil d’affichage doit être effectué après que l’écran ait été « réglé », c’est-à-dire que les paramètres de « réglage » de l’écran lui-même (avec ses boutons ou son menu OSD) mais aussi ceux de la carte graphique (avec son logiciel pilote associé) aient été fixés.

    Donc, si on met à jour le logiciel associé à la carte graphique sans changer ses paramètres, il n’est pas utile de reconstruire le profil. En revanche, si on modifie l’un des paramètres de réglage de l’écran, par exemple la fréquence de rafraîchissement, il faut théoriquement refaire le profil. Ceci posé, même si la commutation des canons à électrons ou celle des cristaux liquides sont des phénomènes non instantanés qui pourraient avoir une influence sur le comportement colorimétrique de l’affichage, en pratique, au moins avec des fréquences courantes, je n’ai jamais décelé de modification significative de la colorimétrie d’un affichage consécutive à changement de fréquence.

    En revanche, on peut imaginer que le colorimètre utilisé pour le calibrage ait un comportement plus ou moins correct selon la fréquence (car il ne faut pas faire le mesure quand les canons à électrons sont éteints…). Ces instruments de mesure sont conçus pour en tenir compte. Dans le cas, par exemple, du Eye-One Display2, un capteur spécial est consacré exclusivement à la détection de la fréquence.

  15. Bonjour Jean,

    Curieux que ce problème ne soit pas traité, je l’expose ici:
    – Comment venir à bout de la luminance excessive d’un iMAC 24 ?

    Oui, il existe des softs mais il influencent obligatoirement sur la calibration… Je précise que j’ai Coloreyes PRO.

    Apple se targue d’être accès Photographe et Graphistes, mais avec un tel écran, c’est dans les centres de bronzage qu’ils devraient présenter leur produit.

    Calibré en D50, la luminosité est moins fatigante, mais ce n’est pas la panacée.

    Une idée sur le sujet ? Un second écran est indispensable ?

  16. Désolé de découvrir votre question si tardivement.

    D’une manière générale, les écrans des systèmes « tout en un » intégrant un écran, en particulier les portables, sont dotés de systèmes d’affichage difficile voire impossibles à étalonner correctement.

    Je n’ai pas une grande expérience des écrans Apple, mais ils n’ont pas la réputation d’être bien adaptés aux arts graphiques. Comme ses concurrents les plus prestigieux (LaCie, Eizo…) Apple a pris en outre la mauvaise habitude de régler en usine ses affichages sur une « luminosité » bien trop élevée. Dans le cas de certains écrans Apple, je sais par ailleurs qu’il est parfois difficile, voire impossible, de les régler sur une luminance du blanc adaptée aux photographes, c’est à dire 90-100 cd/m^2.

    Nombreux, très nombreux, sont les photographes qui connectent un écran Eizo, LaCie… à leur Mac…

  17. Bonsoir Monsieur,

    Je me permets de remonter ce fil car le point suivant est très rarement évoqué, et la question demeure ;

    Si un écran possède un point blanc natif à 6500°K, n’est-ce pas contre-productif que de vouloir l’amener coûte que coûte à 5000, voire 5500°K lors de la caractérisation ? (tout le monde n’a pas un écran à 2000 € !)

    N’est-il pas préférable de choisir un espace de travail en rapport avec le point blanc natif de son écran, afin de favoriser le maximum de précision des couleurs à l’écran, quitte à « rogner » la précision écran/papier ?

    En vous remerciant.

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