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Pourquoi pas le grand-angle en proxiphoto ?

La mode en proxiphoto est aux ambiances très douces créées par de grandes ouvertures et de longues focales. Lorsque le photographe prend soin de bien travailler l’éclairage de ses clichés, de superbes effets peuvent apparaître dans le fond des images : le fameux bokeh. Ce mode opératoire fournit des images puissantes très agréables à l’œil.

Une autre solution consiste à tourner le dos aux objectifs macro pour utiliser des optiques qui, par nature, permettent d’avoir un regard large sur le monde : les grands-angles. Avec ces objectifs, il est possible de distinguer le paysage derrière une composition en cadrage serré. Vous pouvez également rechercher des points de vue insolites, inaccessibles avec des objectifs macro de focale plus importante.

Très près du sujet

D’aucuns diront qu’il s’agit d’une folie car les conseils de cette section remettent en question nombre de pratiques de base de la macro. Pour approcher les insectes craintifs, il est en effet préférable d’utiliser un petit téléobjectif macro de 100 mm plutôt qu’une focale standard de 50 ou 60 mm. Les quelques centimètres de recul supplémentaires ainsi obtenus sont décisifs pour éviter la fuite du sujet et garantir que l’ombre du photographe ne vienne pas gâcher la scène. Les experts s’équipent même de 180 ou 200 mm macro, certes plus sensibles au flou de bougé, qui proposent une distance de travail encore plus grande.

Avec un grand-angle, la distance de mise au point fond comme neige au soleil dès qu’on recherche un cadrage serré. Et il ne faut pas se laisser leurrer par la distance inscrite sur la bague de mise au point qui représente la distance entre le sujet et le plan du capteur ou du film. Ce qui importe dans la pratique, c’est la distance entre la lentille frontale de l’objectif et le sujet, souvent appelée distance de travail. Par exemple, avec un grandissement de 0,25×, la distance de travail d’un grand-angle de 24 mm peut être limitée à 6 ou 7 centimètres seulement. Et ceci n’est pas simple à gérer sur le terrain. Cela explique pourquoi l’usage d’un grand-angle est limité à la proxiphoto, c’est-à-dire à des rapports de reproduction compris entre 0,1× et 0,4×.

 Le choix de l’objectif

La grande majorité des objectifs grands-angles disponibles sur le marché proposent un grandissement relativement faible à leur distance minimale de mise au point : 0,1× au mieux. Pour convertir votre grand-angle en optique pour la proxiphoto, vous pouvez l’associer à une bague allonge très courte. Il faut ici choisir le modèle qui allonge le moins possible le tirage, soit 10 à 12 mm selon les marques.

Cela peut sembler étrange a priori, mais un 24 mm associé à une bague de 12 mm reproduira le sujet dans un rapport 0,5× avec la bague de mise au point réglée sur l’infini. La distance de travail d’un tel couple devient si courte qu’il est quasiment impossible de prendre une photo car le sujet se trouve dans le pare-soleil.

simard macro

Il aurait été dommage de photographier ce nacré sans montrer le cadre magnifique qui l’entoure. L’utilisation du grand-angle permet de suggérer l’environnement autour du papillon sans qu’il soit pour autant net car la profondeur de champ est réduite en photographie rapprochée, même avec un grand-angle. Ainsi, on distingue les montagnes des Drus et de l’Aiguille Verte derrière les ailes du papillon. Nikon D3x ; objectif PC-E 24 mm f/3,5 ; rapport 0,15 ; lumière naturelle ; 1/500 s, f/5,6, 160 ISO

L’association de la même bague allonge de 12 mm avec un grand-angle de 35 mm est beaucoup plus intéressante. Le rapport de reproduction obtenu est de 0,3× et la distance de travail, certes très courte, peut être exploitée moyennant quelques précautions. Bien que cette solution limite grandement le choix des cadrages possibles à cause du grandissement minimal imposé par la longueur de la bague, je vous conseille de passer par cette étape intermédiaire pour tester vos goûts en matière de proxiphoto au grand-angle.

Quelques rares grands-angles possèdent une rampe de mise au point démultipliée qui donne accès à la proxiphoto sans recourir à un accessoire. Sigma commercialise un grand-angle parfait pour découvrir cette nouvelle manière de photographier en gros plan. Il s’agit du Sigma EX 24 mm f/1,8 DG Macro. Cette optique n’est pas exempte de défauts et, notamment, ses performances optiques à grande ouverture sont modestes. Mais, en fermant le diaphragme, on peut obtenir de bons résultats. Et surtout, ce 24 mm Sigma descend jusqu’au rapport de reproduction de 0,4× sans accessoire ! C’est cet objectif qui m’a fait prendre conscience de l’intérêt d’utiliser le grand-angle pour certaines proxiphotos.

Mais j’utilise aujourd’hui un autre objectif, une optique qui n’est pas destinée a priori à l’amateur de macro : un 24 mm à décentrement et bascule. Le 24 mm PC-E de Nikon ou le 24 mm TS-E II de Canon combine ainsi une rampe de mise au point démultipliée pour des plans serrés avec des possibilités de maîtrise du cadrage et du plan de netteté très utiles en proxi et, tout ceci avec des qualités optiques de haut vol. Ces deux objectifs constituent sans doute des « must have » pour tout pro de la photo de nature – je reviendrai plus loin sur l’intérêt des fonctions de décentrement et de bascule en proxiphoto. Si le prix du 24 mm Sigma reste relativement modéré, comptez environ 500 euros pour faire son acquisition, les optiques à décentrement et bascule sont beaucoup plus chères. Les 24 mm PC-E Nikon et TS-E II Canon affichent un tarif catalogue proche de 2 000 euros.

 L’approche

Placer son appareil à seulement quelques centimètres du sujet n’est pas chose aisée. D’abord, lorsqu’on photographie un insecte, il faut faire en sorte que l’animal ne prenne pas la fuite à l’approche de l’énorme objectif. Pour cela, appliquez un principe toujours valable en macro : travaillez de préférence tôt le matin ou tard le soir. De même, un papillon occupé à butiner une fleur sera beaucoup moins sensible à l’approche du photographe que s’il est posé au sol au milieu d’un sentier. Avec un grand-angle plus encore qu’avec d’autres optiques, il faut privilégier les conditions dans lesquelles les animaux se laissent approcher plus aisément.

simard macro

L’utilisation du grand-angle sur le terrain est délicate car le choix du point de vue détermine le contenu de l’arrière-plan. C’est pourquoi on est souvent contraint de placer l’appareil très près du sol. Dans ces conditions, le viseur d’angle est un accessoire précieux pour conserver un bon confort de visée.

Puis, lorsque vous réglez le cadrage et la mise au point l’oeil dans le viseur, n’oubliez pas que votre objectif ne se trouve qu’à quelques centimètres du sujet. Il faut autant que possible anticiper les réglages afin d’éviter de manipuler le boîtier à proximité d’un insecte. Si vous devez tout de même modifier un paramètre, déplacez vos doigts très lentement. Quoi qu’il en soit, le taux de réussite d’une proxiphoto prise au grand-angle reste plus faible que la même image prise avec une optique macro de longue focale car les conditions de travail sont plus exigeantes.

simard macro

Cette photographie d’un tabac d’Espagne a été prise à l’aide de l’objectif Sigma EX 24 mm f/1,8 DG Macro. La lentille frontale n’était qu’à 5 cm du sujet. Même si avec un grand-angle, la profondeur de champ reste identique qu’avec une autre focale, le rendu de l’image est totalement différent. L’arrière-plan est beaucoup plus lisible et il paraît moins flou. On distingue très bien les fleurs derrière le papillon et on devine même les branches des arbres plus loin. On notera que le flare est très présent avec cet objectif mais, ici, ses couleurs se marient bien avec celles du tabac d’Espagne. Nikon D2h ; objectif Sigma 28 mm f/1,8 DG ; rapport 0,2 ; lumière naturelle en contre-jour ; 1/500 s, f/5,6, 200 ISO

L’éclairage

À très courte distance, un autre problème apparaît : l’éclairage. Le risque de projeter l’ombre de l’appareil sur le sujet est décuplé. C’est pourquoi la proxiphoto au grand-angle se marie bien avec les contre-jours ou les lumières diffuses des journées nuageuses. Prenez donc soin d’observer où se trouve le soleil avant de tenter une approche. Choisissez d’avancer plutôt face au soleil.

Les contre-jours sont très intéressants pour mettre en relief des détails dans l’image mais ils mettent à rude épreuve les performances du grand-angle. Le risque de flare, notamment, est important. Ce phénomène se traduit par l’apparition d’images fantômes produites par la lumière entrant directement dans l’objectif et se reflétant sur les éléments optiques internes. Les traitements réalisés par les opticiens pour rendre le grand-angle résistant au flare, comme le traitement Nanocristal de Nikon ou le traitement SWC de Canon, sont donc de première importance en proxiphoto. De toute façon, si ce phénomène apparaît tout de même dans votre image, il est possible de l’inclure dans la composition en jouant sur son graphisme car l’éclairage en contre-jour reste la meilleure façon d’éviter la fuite d’un sujet brusquement recouvert par l’ombre du photographe.

L’utilisation d’un flash avec un grand-angle est très délicate car la distance réduite entre l’objectif et le sujet interdit de placer une source de lumière près de l’axe optique. De plus, il est impératif de travailler en fill-in afin de combiner la lumière naturelle pour l’arrière-plan et l’éclairage au flash du sujet. Je vous déconseille donc d’user de l’éclairage artificiel en proxiphoto au grand-angle, à moins que vous ne soyez très à l’aise avec le fill-in en multiflash.

 

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5 commentaires “Pourquoi pas le grand-angle en proxiphoto ?

  1. Bonjour,

    Cet article est intéressant mais l’idée de l’objectif à décentrement à 2000 euros ou plus couplé logiquement à un boitier haut de gamme…tout ça pour de la proxiphoto ? Serait-ce le nouveau joujou du petit riche qui qui fait mumuse avec du matos à 6000 euros qu’il aurait acquis comme d’autres acquièrent des poissons rouges à 2 euros pièce? Je sais que la démocratisation de la photographie fait venir à la photographie beaucoup de touche-à-tout excentriques prétentieux et fort savants souvent équipés mieux que certains pros mais il ne faudrait pas en plus leur donner des idées, ils en ont suffisamment…

    • Non, je ne pense que ce soit affaire de petit riche ou d’excentriques prétentieux.

      Celà me rappelle, il y a bien longtemps, un test d’une appareil panoramique Horizon, où le journaliste se plaignait amèrement de l’impossibilité de faire de la macro avec.

      Chaque outil à son domaine d’utilisation propre.

      Mais c’est une posture journalistique que de vouloir montrer qu’on peut faire la macro avec un 800 mm ou d’utiliser un objectif à décentrement pour faire de la macro.

      De là à en faire un livre, mon dieu !

      • En fait, l’ouvrage de Ghislain est beaucoup plus « raisonnable » que vous croyez, bien qu’il explore, au sein de l’ultime chapitre, des techniques plus sophistiquées qui ont fondé la réputation de l’auteur (objectif grand-angle, photo haute vitesse, flash stroboscopique, macro au moyen format). J’ai lu ce troisième chapitre avec beaucoup d’intérêt, car il est passionnant, au même titre que les deux premiers, dont il est plus facile de suivre les conseils sans se ruiner;-)

    • Hmm, faut-il penser à un complot chaque fois qu’un photographe (excellent, en plus…) présente ses techniques de prise de vue ? Si les objectifs de décentrement ne font, à l’image des autres objectifs grands angulaires, pas vraiment partie des matériels « classiques » utilisés par les amoureux de la proxiphotographie, ils peuvent néanoins rendre de fiers services. Ce n’est pas une question de « petit riche » – à titre personnel, je possède un « vieux » Canon TS-E 24 mm acheté d’occasion il y a maintenant 15 années (à 600 euros seulement…) qui continue à me rendre de très fiers services. Pas encore en proxiphotographie, mais je ferai sans doute un essai dès que la météo collabore à nouveau 😉

      • Bonjour,

        Non, il ne s’agit pas de complot, mais d’une réactions, personnelle, à une pratique un peu très répandue de vouloir absolument utiliser un outil pour ce qu’il n’est pas prévu.

        Manque d’imagination pour se démarquer des autres ouvrages ou manque de confiance en soi ou prétention exagérée ?

        Et mettre cette particularité en exergue pour présenter l’ouvrage, c’est, à mon sens, le desservir.

        J’attends le livre sur la photographie sous-marine qui nous expliquera que le top du top, c’est un 600 mm ouvert à 2.8 (les gros objectifs bien lourds, bien longs et bien chers de chez Nikon et Canon) !

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