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Nikon P5000 – Le dernier des mohicans ?

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Le bruit et la restitution des couleurs

J’ai analysé quelques images de chartes Q-13 et ColorChecker à l’aide du logiciel Imatest de Norman Koren afin de déterminer la restitution des couleurs ainsi que le niveau du bruit de l’appareil.

Bien que le Nikon P5000 offre une large étendue de sensibilités ISO, de 64 à 3 200, la sensibilité la plus élevée ne peut être utilisée que lorsque vous sélectionnez une résolution maximale de 5 mégapixels (2 592 × 1 944). Le processeur interne de l’appareil utilise une technique appelée « pixel binning », regroupant 2 × 2 pixels pour n’en former qu’un seul, augmentant ainsi la sensibilité du capteur tout en diminuant sa résolution d’un facteur 2.

Avec un minuscule capteur de 1,8 pouces, le P5000 se trouve démuni face au bruit électronique. Les photos prises à la sensibilité 64 ISO souffrent déjà d’un léger lissage pour réduire ce bruit, ce qui génère un effet « aquarelle » encore assez discret. Au fur et à mesure que vous montez en sensibilité, bruit et lissage augmentent et font progressivement disparaître les fins détails. On peut se demander l’utilité d’un capteur aussi bien doté en photosites… (Vu la faible sensibilité de chaque élément photosensible, il n’est guère raisonnable de les multiplier à tout va, les détails ainsi gagnés seront noyés par le lissage de bruit…)

Niveau de bruit en fonction de la sensibilité ISO ; on aperçoit sans peine que le niveau de bruit à 3 200 ISO, très bas, a été atteint à la fois grâce au « pixel binning » et à une suppression de bruit « violente ».

Nous l’avons dit, l’appareil propose un réglage à 3 200 ISO. Cependant, le jeu ne vaut la chandelle : la réduction du bruit est tellement violente qu’elle détruit le peu de détail existant ! Bien que les mesures avec Imatest révèlent un niveau de bruit étonnamment maîtrisé (équivalent au bruit que l’on trouve aux sensibilités 200 et 400 ISO), les résultats sont autrement plus parlants et ressemblent à une « bouillie de pixels » indigeste… Bref, les résultats en matière de bruit sont très éloignés de ceux d’un reflex d’entrée de gamme – doté, il vrai, d’un capteur d’une surface autrement plus grande.

Les appareils entrée de gamme génèrent souvent des images d’une saturation de couleurs trop prononcée afin de plaire aux utilisateurs lambda souhaitant obtenir des photos claquantes sans pour autant passer par un logiciel de traitement d’images. Les photos du Nikon P5000 sont d’une neutralité exemplaire et d’une saturation presque parfaite ; cependant, il sera presque toujours nécessaire de booster les couleurs, via un réglage plus élevé pour la saturation des couleurs, pour que les images vous paraissent « naturelles ».

J’ai photographié une charte ColorChecker afin d’analyser la restitution des couleurs, grâce au logiciel d’analyse Imatest de Norman Koren. Imatest atteste d’une très bonne fidélité des couleurs, les bleus et les rouges sont légèrement plus saturés que la norme, les jaunes un peu moins. Suivant le paramètre choisi pour le rendu des couleurs, les jaunes et les rouges sont moins saturés en mode Portrait, et l’ensemble des couleurs plus saturées en mode Vivid.

Comparaison, en saturation standard, de la restitution des plages d’une charte ColorChecker avec des valeurs idéales : le P 5000 restitue les couleurs avec une fidélité tout à fait satisfaisante, leur saturation n’est que moyennement élevée (107,7 %).

Dans des conditions favorables aux appareils compacts numériques (photos d’extérieur à forte luminosité), le P5000 est capable de délivrer une balance des blancs correcte. Toutefois, n’attendez pas la même excellence dans des conditions difficiles, un appareil reflex sera capable de bien meilleurs résultats, quelle que soit sa marque !

Reflets, Grenoble. Nikon P 5000.

Pour conclure

Produit phare de la nouvelle gamme d’appareils compacts numériques Nikon, le P5000 est loin d’être aussi performant que le laisse penser sa fiche technique fort bien remplie. Très bien construit et doté de nombreuses fonctions photo partagées avec les reflex numériques du fabricant, il souffre néanmoins d’une réactivité toute somme ordinaire : il est virtuellement impossible de prendre des photos sur le vif. En effet, la mise au point automatique est atteinte d’un flegme imperturbable et l’appareil met du temps pour déclencher, et le petit écran de l’appareil est obturé pendant ce temps d’attente. L’absence d’un mode d’enregistrement en format RAW (une lacune fort simple à combler, par une mise à jour du logiciel interne…) et un viseur optique d’une très faible couverture sont d’autres points qui déçoivent.

Cité italienne, Grenoble. Nikon P5000.

Malgré les défauts mentionnés (que je vous invite à juger suivant vos propres impératifs), j’ai pris du plaisir à utiliser ce petit appareil fort sympathique. Parfait complément d’un équipement reflex lourd et encombrant, il vous permettra de prendre des photos partout là où la discrétion emporte sur l’exigence d’une qualité d’image optimale.

Une dernière remarque : ne faudrait-il pas revenir aux appareils à 5 mégapixels afin d’obtenir une qualité d’image à la hauteur du nombre de pixels ? Je m’insurge contre ces génies d’une politique marketing s’appuyant uniquement sur la résolution des capteurs, dont le nombre de photosites augmente, sans pour autant offrir davantage de qualité. Il serait temps de privilégier la qualité d’image pour faire face à l’avancée des téléphones portables à appareil photo intégré…

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