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Gestion des couleurs avec Lightroom

Extrait du chapitre 6 « Gestion des couleurs avec Lightroom » de la 2e édition du livre de Jean Delmas, La gestion des couleurs pour les photographes, à paraître aux éditions Eyrolles en octobre 2007.

Comme dans le chapitre qui précède dans le livre à paraître et qui concerne Photoshop, nous nous focaliserons ici sur la manière dont Lightroom gère les couleurs. Nous renvoyons le lecteur au livre de Martin Evening publié par les éditions Eyrolles (Photoshop Lightroom pour les photographes) pour ses fonctions de gestion d’images.

Lightroom est un outil étonnant qui occupe une place assez incongrue dans le fil des productions Adobe. Aux antipodes de son vaisseau amiral Photoshop, universel, puissant et pesant, il privilégie la rapidité, l’efficacité du flux de travail et gagne en fluidité ce qu’il sacrifie en degrés de liberté.

Lightroom a commencé de mûrir dès 2002 dans l’esprit de Mark Hamburg, son concepteur chez Adobe. L’entreprise envisageait alors de concevoir un nouveau logiciel capable de gérer et d’optimiser les images par centaines… Mais c’est la sortie d’Aperture chez Apple qui acheva de convaincre Adobe qu’il existait un marché pour un tel outil et lui fit attribuer au projet les moyens qu’il méritait, c’est-à-dire une équipe de développement de premier ordre.

Les hiatus entre Photoshop et Lightroom sont nombreux. Ne cherchez pas dans Lightroom le mode Lab, par exemple, ce pilier du fonctionnement interne de Photoshop, ni même l’espace de travail Adobe RGB (1998) : ils n’ont pas vraiment disparu mais ont été repoussés aux marges discrètes de l’importation-exportation d’images. Vous pouvez traiter dans Lightroom une image définie dans le mode Lab, mais elle sera instantanément copiée dans une version convertie dans le seul espace de travail que connaisse Lightroom, une version linéaire de ProPhoto RGB travaillant avec une profondeur de couleur de 16 bits, comme il sied à un espace colorimétrique doté d’un gamut gigantesque. N’essayez pas non plus d’importer une image définie dans un espace CMJN, opération qui, il est vrai, ne devrait pas concerner un photographe : Lightroom vous enverra promener avec le commentaire « Le fichier utilise un mode couleur non pris en charge ».

Les pétulants polémistes qui ne juraient naguère que par le mode Lab de Photoshop et trouvaient vilaines les images définies sur plus de 8 bits sont désormais orphelins d’Adobe, abandonnés par ce Lightroom iconoclaste qui ne leur offre plus que des miettes de leurs deux lubies et se permet même impudemment d’enterrer le bon vieux temps gris clair sous une interface très réussie mais dans le genre sépulcral chic.

L’abandon d’un moteur CIELAB au profit d’un moteur RGB est une révolution aussi bien pour Adobe que pour les photographes. Au revoir les astuces de labo qui s’appuyaient sur le traitement séparé de la clarté et de la chromaticité pour mieux soigner une transformation monochrome. Terminé le choix d’un espace de travail par défaut et de la politique de conversion vers icelui, oubliée la terrible boîte de dialogue Couleurs, disparus les calques et autres couches ! Mais en contrepartie, bonjour la légèreté d’une gestion des couleurs rigoureuse et presque invisible !

Du point de vue de la gestion des couleurs, Lightroom présente tout de même deux handicaps dont nous verrons plus loin les conséquences et dont nous parions qu’elles disparaîtront dans de futures versions :

  • les histogrammes affichés par ce logiciel ne sont pas mis à jour en fonction de l’espace colorimétrique choisi pour la sortie ;
  • aucune fonction de simulation d’imprimante (soft et hard proofing) n’est disponible.

Rassurons tout de même les déprimés de Lightroom : Photoshop continue d’embellir et d’exercer son ministère en harmonie avec Lightroom. Le cardinal et son mousquetaire coopèrent parfaitement, ce dernier sous-traitant au maître les tâches qui échappent à sa science : application de filtres, correction des déformations géométriques induites par l’optique et la perspective, attribution d’un profil à une image, conversion dans un espace colorimétrique quelconque, modification d’une image en mode Lab, simulation d’imprimante…

Livres conseillés sur ce sujet

6 commentaires “Gestion des couleurs avec Lightroom

  1. Voici un article très intéressant car il « éclaire » un domaine de la photo numérique crucial et pourtant difficile à maîtriser : la gestion des couleurs ! D’ailleurs, à la lecture de cet article, je me pose de nouvelles questions .

    Si je capture une image en RAW, lorsque Lightroom ouvre cette image elle est automatiquement convertie dans l’espace colorimétrique Melissa RGB. Pour autant mon moniteur ne peut gérer que l’espace colorimétrique sRGB. D’où les questions suivantes :

    1. Les fichiers RAW possède t-il un espace colorimétrique intrinsèque ? Si ce n’est pas le cas, comment Lightroom gère t-il la conversion vers l’espace colorimétrique Melissa RGB ?
    2. Mon écrant étant « limité » au sRGB et Lightroom travaillant dans l’espace Melissa RGB, la photo affichée par Lightroom est-elle correcte ? Si oui comment est-ce possible ?

    Merci pour vos réponses.

  2. Merci pour ces intéressantes questions.
    Juste un détail tout d’abord, ce n’est pas tout à fait dans Melissa RGB que se situe votre image lors de son optimisation par Lightroom, mais dans un espace qui n’a pas (encore) de nom et qui possède les mêmes primaires que Melissa RGB (celles donc de ProPhoto) mais avec un gamma d’encodage égal à 1 au lieu d’environ 2.2 pour Melissa RGB et 1,8 pour ProPhoto RGB.

    Les trois composantes RGB qui résultent du dématriçage des données capturées par un APN et qui constituent un fichier RAW ne font référence à AUCUN espace colorimétrique standard. Elles dépendent uniquement du comportement colorimétrique de l’APN (et de l’algorithme de dématriçage) et ne prennent leur sens que quand on calibre l’APN. On peut dire aussi que ces composantes RGB sont définies dans l’espace de l’appareil, le calibrage ayant précisément pour objectif de définir cet espace.

    Vous verrez, en lisant le chapitre que je consacre au calibrage d’APN dans la seconde édition de mon bouquin qui doit paraitre dans les prochaines semaines, que, pour « calibrer » un APN, c’est à dire établir la relation entre les composantes RGB brutes d’un fichier RAW et les couleurs correspondantes dans l’espace absolu CIELAB, les logiciels de développement utilisent des politiques diverses. Les logiciels Adobe et les logiciels fournis par les constructeurs d’APN réflex petit format utilisent (hélas !) un étalonnage « propriétaire ». En revanche, Capture One, feu-RawShooter et les logiciels qui accompagnent les dos numériques grand format appliquent la technologie ICC et se basent donc sur des profils ICC d’appareils pour définir le comportement colorimétrique d’un APN.

    Les gamuts qui résultent de ces calibrages d’APN sont bien plus vastes que ceux des espaces sRGB ou Adobe RGB. L’examen des images sur un écran (dans l’espace d’affichage, proche de sRGB) ou leur impression (dans l’espace de l’imprimante) mettent donc en oeuvre donc des conversions qui font disparaitre certaines nuances. Il est pourtant important de conserver toutes les couleurs d’origine dans le fichier RAW car vous ne savez pas aujourd’hui, l’usage que vous en ferez un jour… Et puis, optimiser une image en partant d’une grande profondeur de couleur dans un espace à large gamut est la meilleurs façon d’éviter l’apparition d’artefacts lors des optimisations dans Lightroom ou Photoshop : erreurs d’arrondi qui vont par exemple altérer la continuité d’un dégradé.

  3. Merci pour ces réponses précises !

    Une question me taraude toujours : est-ce que Lightroom convertit les photos qu’il traite dans l’espace « LightroomRGB » vers l’espace de l’écran (définit par le profil de l’écran) lorsqu’il les l’affiche à l’écran ?

    Cela expliquerait que deux photos JPEG prises dans les mêmes conditions, une sRGB et l’autre AdobeRGB, s’affichent de manière identique dans Lightroom.
    D’ailleurs elles s’affichent également de manière identique dans la visionneuse de Windows XP (mais j’imagine que le moteur de conversion n’est pas le même).
    Seul IrfanView les affichent différemment : la photo AdobeRGB est « délavée ». J’imagine que ce logiciel ne tient pas compte du profil de l’écran et ne convertit pas les photos à l’affichage.

  4. Les applications gérant correctement les couleurs (Photoshop, LR, visionneuses…) affichent les images sur un écran en tenant compte de l’espace colorimétrique qui est incorporé dans l’image et du profil d’affichage par défaut qui est déclaré dans le système d’exploitation.

    Un moteur de conversion se charge d’opérer la conversion : celui de Microsoft ou celui d’Adobe, selon le logiciel employé. Les différences entre moteurs de conversion sont négligeables car c’est un mode de rendu colorimétrique qui est en général appliqué, un mode qui est défini par l’ICC sans laisser de marge de manoeuvre aux développeurs de logiciels…

    Deux photographies définies dans sRGB et Adobe RGB mais provenant d’une même image (la version sRGB résultant par exemple d’une conversion de la version Adobe RGB) ou deux images sRGB et Adobe RGB prises exactement dans les mêmes conditions, auront donc la même apparence à l’écran.

    Attention tout de même, le raisonnement ci-dessus ne s’applique rigoureusement qu’à condition que la colorimétrie de l’image soit entièrement incluse dans le gamut le plus petit, c’est à dire celui de sRGB. Si ce n’est pas le cas, la version sRGB de l’image fera l’objet d’un écrêtage (disparition des nuances hors gamut lors de la conversion) qui pourrait modifier un peu son affichage sur un écran arts graphiques bénéficiant d’un gamut supérieur à sRGB…

  5. Bonjour Monsieur Delmas et bonjour à vous tous.

    Je viens d’acheter votre livre. Il me tarde de m’y plonger. Ce sujet m’intérresse

    Pour Arno: Un RAW n’a pas de profil couleur incorporé comme le jpeg. Dans lightroom, les composantes RVB sont traduites dans le profil du module étalonnage qui simule les styles d’image. A partir de là les couleurs sont définient.
    Il y a une converssion vers l’espace de travail: pseudo ProPhoto afin de recalculer les valeurs RVB de chaque pixel, tout en conservant la couleur de référence.
    A l’export, l’utilisateur peut choisir l’espace de sortie. Il y aura converssion de l’espace de travail très large vers l’espace de sortie plus petit.

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