Questions Photo

La photographie de concert : mode d’emploi

Les conditions de prise de vue

Nous l’avons déjà évoqué, la prise de vue en concert est bien souvent limitée aux trois premières chansons, ce qui impose à la fois de gérer son temps sans stress et de trouver de bons angles de prise de vue. Une bonne préparation en amont est donc à privilégier et le paramétrage de l’appareil en fait partie.


La balance des blancs
Dans la plupart des cas, il convient de choisir une balance des blancs (WB) appropriée à la lumière Tungstène (c’est-à-dire un réglage à 3200 K). Ce réglage permettra d’éliminer la teinte orangée des images tout en restant au plus proche du rendu natif des différentes lumières et filtres gélatine. Si l’événement a lieu à l’extérieur et en lumière naturelle, optez plutôt pour un réglage Lumière du jour (c’est-à-dire entre 5000 et 5500 K), idéal pour conserver une marge de manœuvre plus ample en postproduction (la plupart des logiciels internes ayant tendance à “réchauffe“» les images à la prise de vue).

La lumière
La qualité de la lumière est d’une importance égale. Elle vise à appuyer l’action sur scène, pour donner de l’amplitude aux mouvements des artistes, pour mettre en avant les différentes tonalités musicales… et non pour faciliter les prises de vue. Mieux vaut connaître le type de concert et d’avoir écouté au préalable la musique du groupe en question, car la lumière est souvent conditionnée par le genre musical : un concert punk ne sera pas éclairé de la même façon qu’un concert de Jazz. Cette préparation vous permettra de bien connaître votre sujet et d‘établir un protocole de prise de vue (prises de vue rapprochées, au téléobjectif, plans larges ou plans serrés, etc.) pour ainsi gérer au mieux le court laps de temps durant lequel vous serez autorisé à prendre vos photos.

C’est le manque de lumière qui représente l’inconvénient majeur de la photographie de concert. Il force les photographes à monter en sensibilité ISO pour ne pas trop ralentir la vitesse d’obturation et donc pour ne pas générer des flous de bougés. Lorsque vous utilisez un téléobjectif, le phénomène est exacerbé, car une vitesse élevée sera alors requise pour éviter à la fois les mouvements intempestifs du photographe et ceux du sujet (qui lui est souvent en mouvement …). Le gain en sensibilité engendre une montée du bruit (d’autant plus qu’il est souhaitable surexposer légèrement vos images afin de circonscrire une montée du bruit en postproduction), qu’il est plus facile de contourner lorsqu’on travaille en noir et blanc.


La gestion du bruit
Les derniers appareils reflex numériques ont fait de remarquables progrès en ce qui concerne le niveau de bruit dans les hautes sensibilités ISO. Nikon est actuellement le leader incontesté sur le domaine de la réduction du bruit : les Nikon D700 et D3s atteignent une excellente qualité d’image à 6400 et à 12 800 ISO, sans qu’il soit nécessaire de procéder à un traitement numérique trop intrusif, grâce aux excellents algorithmes de traitement intégrés à l’appareil et à l’optimisation du capteur (facteur de remisage et microlentilles). La philosophie de Canon est différente : ici, c’est la taille de l’image qui prime. Avec un capteur de 21 millions de pixels, l’EOS 5D Mark II permet une réduction “artificielle” du bruit qui s’appuie en partie sur la réduction de la taille de l’image finale.


Les logiciels de développement RAW offrent également des performances de plus en plus élevées pour le traitement du bruit. Le plug-in Camera Raw de Photoshop CS5 intègre des algorithmes de traitement du bruit tout à fait convaincants, tout comme Lightroom 3 qui partage le même moteur de dématriçage et de réduction du bruit.




L’exposition
L’arrière de la scène est souvent constitué d’un véritable bric-à-brac qui ne représente que peu d’intérêt esthétique. Il est alors peu judicieux de vouloir le faire apparaître sur ses images. Une sous-exposition de l’arrière-plan est ainsi souvent préférable, d’autant plus qu’elle procure davantage de profondeur à vos images, mettant en avant l’action sur la scène. En fin de compte, c’est votre sujet qui réclame toute votre attention. Une sous-exposition volontaire contribue à lui donner un air quelque peu théâtral.


Les conditions de lumière difficiles et changeantes poussent à abandonner le mode manuel et à utiliser les modes d’exposition Priorité diaphragme ou Priorité vitesse. À titre personnel, je préfère travailler en mode Priorité vitesse pour ainsi privilégier la vitesse. En effet, le mode Priorité ouverture force la cellule à réguler la vitesse de telle sorte quelle obtienne des valeurs équilibrées, au point de baisser la vitesse autant que le sujet en devient parfois flou. Il faut donc trouver un compromis “idéal” entre la vitesse d’obturation et l’ouverture, ce qui entraîne le plus souvent une augmentation de la sensibilité ISO, faisant ressortir le bruit qui est le pire ennemi du photographe. On choisit donc le plus souvent l’ouverture la plus grande de l’objectif, rendant l’utilisation du mode Priorité vitesse quelque peu délicate. En revanche, l’utilisation du mode Priorité ouverture permet un contrôle plus fin des vitesses d’obturation, entre un léger flou résiduel et une compensation complète des mouvements.


Le contrejour est un cas particulier et difficile à maîtriser. L’utilisation du flash étant interdite dans les salles de concert, il est impossible de déboucher des sujets éclairés en contre-jour qui se dessinent sous forme de silhouettes. Afin de révéler des détails des personnages, vous pouvez augmenter le temps de pose ou ouvrir davantage le diaphragme en mode manuel, pour ne pas modifier vos réglages habituels.

13 commentaires “La photographie de concert : mode d’emploi

  1. Surtout, quand vous faites des photos de concert, rappelez-vous que les photographes sont des gens indesirables qui nuisent a l’image de l’artiste. Ils sont meme meprises. Sauf quand les producteurs ont besoin de photos. C’est pour ces raisons qu’on accorde que 3 chansons. Ensuite l’artiste peu transpirer et se lacher. Et puis certains artistes et producteurs vous meprisent davantage en reglant la lumiere a votre detriment, en creant des contre jours violents sur les 3 premieres chansons. Tiens hier soir c’etait Laurent Garnier… 3 titres dans la penombre ! On fait un beau metier !
    Merci pour cet article tres interessant.

  2. Peu familier des salles de spectacles j’ai du récemment faire pour la première fois quelques photos d’une représentation théâtrale très amateur (option théâtre d’un lycée)… une commande familiale, rien de pro :))

    Curieusement j’ai trouvé peu d’information sur internet concernant cette pratique et j’ai puisé dans les infos sur la photographie de concert (qui correspondaient en tous points à ce vous écrivez ici avec un petit truc en plus au sujet de la mesure spot… si jamais vous pouviez éclairer ce point…).

    Équipé ce jour là d’un Pentax K100D Super qu’il est difficile de pousser au delà de 800 ISO, j’avais monté un 50mm f/1,7 le plus souvent utilisé à pleine ouverture. Par bonheur cette focale m’a quand même permis de cadrer presque exactement la scène depuis mon siège (pas question pour moi de trop m’approcher et de faire le gugusse devant une assistance essentiellement composée de parents d’élèves bien calés dans leurs fauteuils). Il va presque sans dire que j’ai aussi du privilégier les jeux de scène les moins agitées…

    Pour post-traiter mes fichiers RAW je suis à nouveau retourné sur internet (photos de concert) pour mettre au clair cette histoire de balance des blancs. 3200 K en intérieur, bon, presque tout le monde s’accorde là-dessus… sauf que mon Pentax (et LR aussi du coup) me donne un réglage Tungstène à 2850 K. Difficile d’arbitrer en se fiant au souvenir (encore moins quand on n’est pas un habitué des éclairages) et c’est donc en fonction de mes goûts que j’ai opté pour l’une ou l’autre mesure selon la photo à traiter.

    Photo de concert et photo de théâtre, les recommandations pour l’un ne valent-elles pas pour l’autre?

    PS : Naze cette histoire des 3 premières chansons et du mépris des photographes… je découvre un truc qui ne me donne pas envie de m’y mettre un jour… même en tant que petit amateur.

  3. Les concerts de Rock et Metal amateur sont mon sujet favori. Un conseil: traiter le groupe au complet puis séparément chaque musicien. Adopter un point de vue élevé (au dessus de la fosse, plutôt qu’au 1e plan, appareil à bout de bras, visée au jugé en grand angle, recadrage et/ou redressement en post), soigner le batteur souvent caché ou mal éclairé. En cas de pogo petit coup de flash et musiciens au 2nd plan. Rééquilibrer la lumière en post. Multiplier les prises.

  4. @ Mach : ça dépend des concerts. Je ne m’intéresse qu’a des musiques suffisamment expérimentales pour ne pas avoir de limite à 3 morceaux (la notion de morceaux n’existe même pas toujours), dans des salles minuscules, sans avoir besoin d’accréditations. Mon principal soucis c’est que ce sont des musiques parfois calmes et mon clic-clac risque de déranger les spectateurs. Quant aux artistes ils sont généralement content d’avoir un souvenir de leur prestation, surtout quand ils sont mis en valeur sur la photo. Après c’est comme dans toute relation aux autres, c’est une question de respect…
    Après moi ce que j’en dis… je ne suis pas pro alors bon.

  5. Ce commentaire sur la photographie de concert est vraiment passionnant. J’ai apprécié la précision des explications, la profondeur de la réflexion théorique et la pédagogie de la présentation. Bravo à l’auteur de l’article et bravo aussi pour ses photographies qui témoignent des mêmes qualités.
    MG

  6. Comme toujours votre article est intéressant, ouvert et synthétique. Les commentaires qui suivent aussi, surtout celui de Pierre-Michel sur les différents musiciens. Pratiquant la photo de concert depuis 25 ans (ouf, ça donne le tournis) je me permettrai de compléter:
    – En Raw pas besoin de choisir la balance des couleur de façon précise. Perso, je la laisse calée en permanence sur « nuage ». Et je reprends après. Certains éclairages sont de toutes façons plus froids que le tungstène.
    – Le Mode d’Exposition, je ne l’imagine pas autrement que semi-automatique (Manuel). En effet, même en sous-exposant l’ambiance, l’interprétation de l’appareil est vraiment aléatoire. J’ai bien d’utiliser les mesures multizones, 3d depuis le F5, mais le résultat est très plat. Autant demander à un autre de faire les photos. Le type de mesure « Spot » a été un avantage décisif (Nikon F801s) Elle permet d’assurer la lumière là où elle est intéressante, et de moduler (surexposer si c’est blanc ou sous-exposer si c’est gris sombre). Assumer son interprétation de la lumière, c’est faire oeuvre d’écriture avec la lumière. Maintenant en numérique on peut tatonner, mais certaines occasions ne se présentent qu’une fois…
    Je rajouterai que l’on photographie aussi avec les oreilles. La musique peut avoir des aspects évolutifs ou répétitifs (un refrain, un thème) qui va de paire avec un réglage lumière, des gestes, etc…Ecouter, c’est anticiper, et participer à l’évènement, pleinement.

    PE

  7. Moi je débute tout juste dans la profession. Je voulais vous raconter ce qui m’était arrivé. J »ai du batailler ferme pour obtenir une accréditation à un concert organisé en plein air par une association. la responsable m’avouant à demi-mots avoir longtemps hésité avant d’accepter. Le jour du concert, je rencontre les artistes. Le concert se jouait en plein-air dans des arènes, dans le sud-ouest de la France. Je leur présente ma démarche, explique qui je suis, leur demande s’ils ont des objections. Non aucune, ils m’ont laissé le champ libre pendant toute la soirée. A la fin du concert, j’ai même même eu droit à 10 secondes de gloire quand les musiciens ont remercié le photographe présent et que tout le public m’a applaudi. Depuis que j’ai publié mes photos dans un album-photo visible par tous sur facebook, je reçois que des avis positifs De plus, la responsable de l’association organisatrice du concert m’a félicité personnellement et m’a même demandé si je pouvais être le photographe lors du mariage de sa fille
    Mes photos sont aussi disponibles sur http://www.legercommeuneplum

  8. Merci pour cet article

    Pour préciser, je suis photographe pro travaillant dans les arts vivants, et rarement en musique. Donc théâtre, rue, cirque, clowns, marionnettes… 250 projets artistiques sur mon site, je travaille en province.

    1) la relation de la photo à la scène dépend beaucoup des relations que l’on entretient avec cette dernière. Si l’on est perçu comme étant « du métier », (connaissance en mise en scène/espace, scénographie, jeu d’acteur, lumière, etc… c’est tout de suite beaucoup plus facile relationnellement, et celà influe aussi beaucoup sur le rendu du travail quand on capte les intentions des différents créateurs d’un spectacle. En tout cas je ne suis jamais confronté aux limitations citées. probable que d’instinct je fuis les lieux où ça pourrait m’arriver, et qui ne correspondent pas à mon projet photographique.

    2)Pour les réglages je fais tout en manuel :balance des blancs, gestion des ISO, de l’ouverture et de la vitesse… Je conçois que ce soit un vrai casse-t^te pouvant faire rater des prises, mais comme je ne fais que ça, j’ai acquis des automatismes, un peu comme lorsqu’on conduit une voiture, on ne pense pas à chacune de ses actions…Bon, faut conduire régulièrement pour que ça passe dans la moelle épinière…
    Jamais de flash : je ne sais même pas me servir d’un flash ! ou quasiment. D’ailleurs je n’en ai pas. D700, 50/1.4, 28-70/2.8 et 70-300 en extérieur.

    En fait tout ce joue à la connaissance du projet artistique chroniqué. La photo doit être « bonne » bien sûr, de même qu’un musicien doit jouer juste. Mais c’est après que ça se passe, en photo de scène comme en musique.

    Donc la photo de « spectacle » est mon premier niveau d’intervention. La photo de « projet artistique » (présence aux répé, filages) le deuxième. Et l’accompagnement des Cie et des festivals dans la durée le troisième…

    …C’est vrai que l’on ne trouve quasiment plus rien sur la photo de théâtre aujourd’hui. A noter l’excellent « La mémoire de l’éphémère » sur l’histoire de la photographie de théâtre, épuisé, mais parfois dispo sur le net.

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