Questions Photo

La photographie de concert : mode d’emploi

Le matériel de prise de vue


Les reflex numériques sont de plus en plus performants et offrent désormais des fonctionnalités plus sophistiquées, permettant un libre choix des réglages au lieu de vous transformer en esclave de la technique. Toutefois, malgré les prouesses techniques des capteurs et logiciels de traitement, il ne faut pas négliger le choix des objectifs qui contribuent encore davantage à la qualité et au rendu final des images.
Pour obtenir des images exploitables, mieux vaut utiliser des objectifs très lumineux. Cependant, leur luminosité et surtout l’utilisation de leur ouverture plus grande entraînent des conséquences quant à la profondeur du champ des images, la zone de netteté étant alors la plus réduite. Seul le sujet, voire qu’une partie de celui-ci, sera alors net, le restant de l’image enveloppée dans un flou souvent plutôt agréable. L’aspect des zones floues découle de la focale et de la conception de l’objectif utilisé (notamment la forme du diaphragme, ronde ou angulaire). On utilise alors le terme japonais “bokeh” pour définir la qualité des zones hors profondeur du champ. Le “bokeh” est donc une caractéristique particulièrement importante car c’est souvent lui qui donnera son cachet particulier à une photo.



Les optiques zoom transstandards de très bonne qualité coûtent excessivement cher et elles ne possèdent pas la même finesse de “bokeh” que les optiques lumineuses à focale fixe. De même, leur qualité optique est souvent moindre. Pour cette raison, je préfère travailler avec des objectifs à focale fixe. Un objectif standard d’une focale de 50 mm fait de véritables miracles lorsqu’il est possible d’approcher les musiciens. Sa grande ouverture, de 1,4 ou de 1,8, permet de couvrir la plupart des situations. De plus, il possède les qualités si caractéristiques aux objectifs à focale fixe : faible encombrement et robustesse. Car n’oublions pas qu’un concert peut être une expérience mouvementée et éprouvante, surtout lorsqu’il s’agit d’un concert de métal ou de punk…




Si, au contraire, vous souhaitez vous éloigner de la scène, un objectif zoom de type transstandard ou télé sera plus adapté qu’un court téléobjectif à focale fixe, permettant de changer entre des gros plans et des images avec davantage de recul. Un objectif du genre 70-200 ou 70-300 mm est alors particulièrement à son aise. Je vous conseille à ne pas trop ouvrir le diaphragme lorsque vous utilisez un de ces objectifs à focale télé, mais plutôt d’augmenter la sensibilité ISO de l’appareil. Plus la focale est longue, plus la profondeur du champ se réduit. En fermant un peu le diaphragme, vous un minimum de profondeur de champ permettant d’éviter de mauvaises surprises comme par exemple une mise au point sur le nez ou les oreilles du chanteur. Lorsque le niveau de luminosité baisse, la précision de la mise au point automatique faiblit, surtout lorsqu’il s’agit d’un appareil d’entrée de gamme et d’un objectif à luminosité moyenne. Mais il ne faut pas pour autant snober les objectifs de moyenne gamme, surtout lorsqu’ils sont équipés de stabilisateurs optiques !



Bien que ces quelques conseils vous aideront à affronter les conditions particulières de la prise de vue de concert, ils n’ont pas vocation à être exhaustifs. Sachez que chaque photographe garde jalousement ses petits “trucs” bien à lui, que ce soit en prise de vue ou en traitement d’image.

Les règles classiques de composition (règle des tiers, etc.) s’appliquent aussi aux photographies de concerts. Par ailleurs, chaque genre musical impose son propre canon esthétique ou du moins un style particulier. La composition, l‘éclairage et les tonalités d’une image définissent ainsi autant la musique que les artistes, leurs vêtements et instruments et la décoration de la scène. Pour finir, l’instant décisif cher à Cartier-Bresson reste encore et toujours l’un des piliers de la photographie de concert.

Note à propos des illustrations

J’ai choisi les images pour montrer les conditions de lumière très difficiles auxquelles doivent faire face les photographes de concert : éclairages néon et mini spots de type halogène. Les photos ont été réalisées au Starcafé, Paris 15, lieu qui dispose d’une petite salle de concert mais qui manque une estrade facilitant les prises de vue. De même, il fallait faire affronter à la fois la musique très bruyante et le public plutôt agité. Pour le groupe de musiciens, il s’agit de Flesh&Dust.

Quant au matériel utilisé, il est plutôt modeste et à la portée de nombreux photographes amateur : boîtier Nikon D80 et zoom transstandard “de base” 18-70 mm f 3,5-4,5.

Enfin, je présente ici à la fois des photos prises au flash (ce qui leur donne un côté rock/punk des années 1970…) et des portraits très graphiques au clair-obscur ou les visages se fondent dans l’ombre pour souligner l’intensité de l’action.

13 commentaires “La photographie de concert : mode d’emploi

  1. Surtout, quand vous faites des photos de concert, rappelez-vous que les photographes sont des gens indesirables qui nuisent a l’image de l’artiste. Ils sont meme meprises. Sauf quand les producteurs ont besoin de photos. C’est pour ces raisons qu’on accorde que 3 chansons. Ensuite l’artiste peu transpirer et se lacher. Et puis certains artistes et producteurs vous meprisent davantage en reglant la lumiere a votre detriment, en creant des contre jours violents sur les 3 premieres chansons. Tiens hier soir c’etait Laurent Garnier… 3 titres dans la penombre ! On fait un beau metier !
    Merci pour cet article tres interessant.

  2. Peu familier des salles de spectacles j’ai du récemment faire pour la première fois quelques photos d’une représentation théâtrale très amateur (option théâtre d’un lycée)… une commande familiale, rien de pro :))

    Curieusement j’ai trouvé peu d’information sur internet concernant cette pratique et j’ai puisé dans les infos sur la photographie de concert (qui correspondaient en tous points à ce vous écrivez ici avec un petit truc en plus au sujet de la mesure spot… si jamais vous pouviez éclairer ce point…).

    Équipé ce jour là d’un Pentax K100D Super qu’il est difficile de pousser au delà de 800 ISO, j’avais monté un 50mm f/1,7 le plus souvent utilisé à pleine ouverture. Par bonheur cette focale m’a quand même permis de cadrer presque exactement la scène depuis mon siège (pas question pour moi de trop m’approcher et de faire le gugusse devant une assistance essentiellement composée de parents d’élèves bien calés dans leurs fauteuils). Il va presque sans dire que j’ai aussi du privilégier les jeux de scène les moins agitées…

    Pour post-traiter mes fichiers RAW je suis à nouveau retourné sur internet (photos de concert) pour mettre au clair cette histoire de balance des blancs. 3200 K en intérieur, bon, presque tout le monde s’accorde là-dessus… sauf que mon Pentax (et LR aussi du coup) me donne un réglage Tungstène à 2850 K. Difficile d’arbitrer en se fiant au souvenir (encore moins quand on n’est pas un habitué des éclairages) et c’est donc en fonction de mes goûts que j’ai opté pour l’une ou l’autre mesure selon la photo à traiter.

    Photo de concert et photo de théâtre, les recommandations pour l’un ne valent-elles pas pour l’autre?

    PS : Naze cette histoire des 3 premières chansons et du mépris des photographes… je découvre un truc qui ne me donne pas envie de m’y mettre un jour… même en tant que petit amateur.

  3. Les concerts de Rock et Metal amateur sont mon sujet favori. Un conseil: traiter le groupe au complet puis séparément chaque musicien. Adopter un point de vue élevé (au dessus de la fosse, plutôt qu’au 1e plan, appareil à bout de bras, visée au jugé en grand angle, recadrage et/ou redressement en post), soigner le batteur souvent caché ou mal éclairé. En cas de pogo petit coup de flash et musiciens au 2nd plan. Rééquilibrer la lumière en post. Multiplier les prises.

  4. @ Mach : ça dépend des concerts. Je ne m’intéresse qu’a des musiques suffisamment expérimentales pour ne pas avoir de limite à 3 morceaux (la notion de morceaux n’existe même pas toujours), dans des salles minuscules, sans avoir besoin d’accréditations. Mon principal soucis c’est que ce sont des musiques parfois calmes et mon clic-clac risque de déranger les spectateurs. Quant aux artistes ils sont généralement content d’avoir un souvenir de leur prestation, surtout quand ils sont mis en valeur sur la photo. Après c’est comme dans toute relation aux autres, c’est une question de respect…
    Après moi ce que j’en dis… je ne suis pas pro alors bon.

  5. Ce commentaire sur la photographie de concert est vraiment passionnant. J’ai apprécié la précision des explications, la profondeur de la réflexion théorique et la pédagogie de la présentation. Bravo à l’auteur de l’article et bravo aussi pour ses photographies qui témoignent des mêmes qualités.
    MG

  6. Comme toujours votre article est intéressant, ouvert et synthétique. Les commentaires qui suivent aussi, surtout celui de Pierre-Michel sur les différents musiciens. Pratiquant la photo de concert depuis 25 ans (ouf, ça donne le tournis) je me permettrai de compléter:
    – En Raw pas besoin de choisir la balance des couleur de façon précise. Perso, je la laisse calée en permanence sur « nuage ». Et je reprends après. Certains éclairages sont de toutes façons plus froids que le tungstène.
    – Le Mode d’Exposition, je ne l’imagine pas autrement que semi-automatique (Manuel). En effet, même en sous-exposant l’ambiance, l’interprétation de l’appareil est vraiment aléatoire. J’ai bien d’utiliser les mesures multizones, 3d depuis le F5, mais le résultat est très plat. Autant demander à un autre de faire les photos. Le type de mesure « Spot » a été un avantage décisif (Nikon F801s) Elle permet d’assurer la lumière là où elle est intéressante, et de moduler (surexposer si c’est blanc ou sous-exposer si c’est gris sombre). Assumer son interprétation de la lumière, c’est faire oeuvre d’écriture avec la lumière. Maintenant en numérique on peut tatonner, mais certaines occasions ne se présentent qu’une fois…
    Je rajouterai que l’on photographie aussi avec les oreilles. La musique peut avoir des aspects évolutifs ou répétitifs (un refrain, un thème) qui va de paire avec un réglage lumière, des gestes, etc…Ecouter, c’est anticiper, et participer à l’évènement, pleinement.

    PE

  7. Moi je débute tout juste dans la profession. Je voulais vous raconter ce qui m’était arrivé. J »ai du batailler ferme pour obtenir une accréditation à un concert organisé en plein air par une association. la responsable m’avouant à demi-mots avoir longtemps hésité avant d’accepter. Le jour du concert, je rencontre les artistes. Le concert se jouait en plein-air dans des arènes, dans le sud-ouest de la France. Je leur présente ma démarche, explique qui je suis, leur demande s’ils ont des objections. Non aucune, ils m’ont laissé le champ libre pendant toute la soirée. A la fin du concert, j’ai même même eu droit à 10 secondes de gloire quand les musiciens ont remercié le photographe présent et que tout le public m’a applaudi. Depuis que j’ai publié mes photos dans un album-photo visible par tous sur facebook, je reçois que des avis positifs De plus, la responsable de l’association organisatrice du concert m’a félicité personnellement et m’a même demandé si je pouvais être le photographe lors du mariage de sa fille
    Mes photos sont aussi disponibles sur http://www.legercommeuneplum

  8. Merci pour cet article

    Pour préciser, je suis photographe pro travaillant dans les arts vivants, et rarement en musique. Donc théâtre, rue, cirque, clowns, marionnettes… 250 projets artistiques sur mon site, je travaille en province.

    1) la relation de la photo à la scène dépend beaucoup des relations que l’on entretient avec cette dernière. Si l’on est perçu comme étant « du métier », (connaissance en mise en scène/espace, scénographie, jeu d’acteur, lumière, etc… c’est tout de suite beaucoup plus facile relationnellement, et celà influe aussi beaucoup sur le rendu du travail quand on capte les intentions des différents créateurs d’un spectacle. En tout cas je ne suis jamais confronté aux limitations citées. probable que d’instinct je fuis les lieux où ça pourrait m’arriver, et qui ne correspondent pas à mon projet photographique.

    2)Pour les réglages je fais tout en manuel :balance des blancs, gestion des ISO, de l’ouverture et de la vitesse… Je conçois que ce soit un vrai casse-t^te pouvant faire rater des prises, mais comme je ne fais que ça, j’ai acquis des automatismes, un peu comme lorsqu’on conduit une voiture, on ne pense pas à chacune de ses actions…Bon, faut conduire régulièrement pour que ça passe dans la moelle épinière…
    Jamais de flash : je ne sais même pas me servir d’un flash ! ou quasiment. D’ailleurs je n’en ai pas. D700, 50/1.4, 28-70/2.8 et 70-300 en extérieur.

    En fait tout ce joue à la connaissance du projet artistique chroniqué. La photo doit être « bonne » bien sûr, de même qu’un musicien doit jouer juste. Mais c’est après que ça se passe, en photo de scène comme en musique.

    Donc la photo de « spectacle » est mon premier niveau d’intervention. La photo de « projet artistique » (présence aux répé, filages) le deuxième. Et l’accompagnement des Cie et des festivals dans la durée le troisième…

    …C’est vrai que l’on ne trouve quasiment plus rien sur la photo de théâtre aujourd’hui. A noter l’excellent « La mémoire de l’éphémère » sur l’histoire de la photographie de théâtre, épuisé, mais parfois dispo sur le net.

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