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Photo de paysage : quel objectif ?

Focales standards

Au-delà de 24 mm et jusqu’aux alentours de 45 mm APS-C, on entre dans le domaine des focales moyennes, qui n’élargissent ni ne rétrécissent le champ visuel réel. La focale la plus « neutre » étant le 33 mm APS-C (50 mm en 24 × 36). Avec ce type d’objectif, vous cadrez à peu près ce que vous verriez en regardant le monde à travers un objectif sans lentilles, une simple petite lucarne… On a donc coutume de dire que c’est ce qui se rapproche le plus de la vision réelle. C’est vrai pour la perception des distances, mais pour le reste, c’est un faux discours. En effet, votre perception visuelle appréhende un champ bien plus vaste que le cadre assez étriqué de ces focales. On est généralement très frustré de cette étroitesse qui ne montre que des bouts du paysage embrassé par les yeux.

Concrètement, notre vision (même subjective) se rapproche bien plus de ce que restitue un grand-angle sur une photo. Les focales moyennes sont donc pertinentes pour isoler, sans effet grossissant, une portion de paysage assez limitée. Mais leur principal atout résulte de leur très grande qualité optique. Ce sont des objectifs simples à fabriquer, avec peu de lentilles, leurs performances sont donc particulièrement optimisées. Ils sont, en plus, très bon marché : un 50 mm très lumineux (f/1,4) ne coûte quasiment rien. Leurs qualités compensent donc bien leurs inconvénients. Autre atout, ils disposent d’une distance minimale de mise au point assez courte, ce qui s’avère très pratique.

Malgré cela, il faut reconnaître que ces focales sont peu utilisées en matière de paysage, car elles manquent d’envergure, de parti pris sur l’image et de souplesse d’emploi. Mais je vous conseille de vous y intéresser pour deux raisons. Premièrement, la taille très réduite, voire compacte, d’un 50 mm en fait un outil très discret et léger qui facilite la prise de vue dans des endroits sensibles (monuments, site archéologique, etc.), ou quand vous ne souhaitez pas attirer l’attention. Deuxièmement, vous « forcer » à utiliser une focale moyenne exercera efficacement votre œil à choisir, à faire du tri dans ce que vous voyez, pour isoler les plus belles compositions.

focale normale

Les vaches sont de plus en plus à la mode en photo. En fait, elles sont aussi souvent valorisées par le paysage où elles évoluent. Ici, l’emploi d’une focale proche de 50 mm était pertinent depuis mon point de vue, derrière la clôture de pré. J’ai ainsi isolé la portion intéressante, en évitant de faire des animaux de simples confettis au milieu des champs, et j’ai conservé le cadre verdoyant baigné d’une douce lumière de contre-jour.

Focales longues (téléobjectifs)

À partir de 55 mm APS-C (80 mm en 24 × 36), on entre dans le registre des longues focales (téléobjectifs), dont la mission est de se rapprocher des choses et d’avoir un effet grossissant. Le champ couvert est donc de plus en plus réduit : un 600 mm agit comme une petite paire de jumelles qui se concentre sur une infime portion du monde.

Si un 80 mm 24 × 36 est idéal pour des portraits, il n’est pas forcément indispensable pour un photographe de paysages. Dans ce type de focale, donnez la priorité aux zooms. Vous aurez surtout besoin de couvrir une grande variété de longues focales, plutôt qu’une seule à la fois. La polyvalence est primordiale pour les paysages. En fonction des contraintes du terrain et de la configuration du sujet, vous devrez ajuster votre focale avec précision et rarement deux fois à la même valeur. Les meilleurs zooms couvrent les focales 70-200 mm (équivalent 24 × 36) avec une ouverture constante de f/2,8. Toutefois, par expérience un 70-300 mm peut s’avérer plus intéressant, même s’il est moins lumineux (f/4,5-5,6). La focale 300 mm rend bien des services et la réduction de l’ouverture allège considérablement le poids et le prix de l’objectif.

Et sur les compacts ?

Soyez circonspect concernant les zooms de trop grande amplitude des compacts (par exemple 24-384 mm en 24 × 36), ou de trop faible luminosité (ouverture maximale de f/6,7). Un objectif ne peut rester performant sur une très grande amplitude et, au-delà de f/5,6, l’image devient bien trop sombre dans le viseur…

En ce qui concerne les modèles avec stabilisateur interne, ils sont peu utiles pour le paysage car le trépied évite de toute façon les vibrations. Les focales supérieure à 300 mm (en 24 × 36) seront rarement employées, voir inutiles. En effet, la vocation des longues focales sera surtout d’isoler un détail harmonieux au milieu d’une scène générale, pas de faire le gros plan d’un sujet inapprochable (comme en photo animalière).

Citons le cas particulier de certains objectifs très marginaux qui disposent, non pas de lentilles de verre, mais d’un miroir (comme les télescopes) pour assurer le fort grossissement : cette technologie (catadioptrique) est moins coûteuse, mais elle ne permet pas de faire varier l’ouverture qui reste donc fixe et peu lumineuse (autour de f/8).

zoom

Un rassemblement de vieux gréements est l’occasion idéale pour exploiter les différentes configurations d’un zoom. Ces deux compositions jouent sur le proche et le lointain, servies par une focale moyenne avec le détail statique d’une étrave dans un premier temps, alors qu’une focale de 200 mm permet de poursuivre un grand voilier qui s’éloigne dans le second cas.

Enfin, il est toujours possible de fixer (via un adaptateur) un boîtier reflex sur une lunette terrestre ou un télescope. Les résultats sont souvent décevants en termes de netteté et de contraste, mais l’espace constitue un paysage de choix, très tentant à photographier. Gros inconvénient, les temps de pose très longs (plusieurs heures parfois pour les étoiles) combinés au déplacement des corps célestes (à commencer par la lune) : il faut donc disposer d’un système de suivi automatique et parfaitement synchronisé pour compenser la rotation de la Terre… La lune est très brillante et se photographie comme un objet illuminé par la lumière du jour ; les éclipses de soleil, et à plus forte raison le soleil lui-même, ne peuvent être photographiés qu’avec un filtre spécial (et obligatoire !) pour ne pas vous brûler la rétine : renseignez-vous dans les magasins de télescopes et surtout les clubs d’astronomes amateurs.

En allant au-devant du paysage pour s’en rapprocher, les téléobjectifs rapprochent aussi les différents plans de l’image. Il en résulte un effet de compression des plans qui fausse l’échelle des distances, jusqu’à abolir toute perspective ou ligne de fuite. Cette compression peut servir à homogénéiser un arrière-plan par imbrication des couleurs et des formes. Le graphisme redevient alors primordial pour compenser la perte de relief. L’exploitation de ce type de focale s’apparente à une vraie technique de réorganisation du réel. On cherche ainsi à masquer une disposition du paysage qui nous serait défavorable avec une plus courte focale. C’est le cas lorsqu’un premier plan est trop isolé et que l’espace entre lui et les plans suivants paraît trop vide. On peut aussi se servir du téléobjectif pour exagérer les proportions ou la taille de gros sujets à l’arrière-plan. C’est un truc très utilisé au cinéma, lorsque que la silhouette du héros se dessine sur un soleil couchant ou une lune énorme… Non seulement les plans sont rapprochés, mais ils sont également grossis. Imaginez une fleur devant le disque solaire rougeoyant : avec un téléobjectif qui grossit cinq fois (250 mm), votre fleur sera cinq fois plus grande mais restera un petit objet, tandis qu’un soleil cinq fois plus gros prendra des proportions bien plus impressionnantes en comparaison. Sachez par ailleurs que plus le sujet est gros au départ, plus l’impact du coefficient multiplicateur de la focale sera fort.

téléobjectif

L’utilisation du téléobjectif comprime les plans en annulant la profondeur du paysage. Les échelles de grandeur sont aussi bouleversées. Il faut alors veiller à ce que les différents sujets restent lisibles grâce à leur contraste ou leurs couleurs.

 

Ce texte est extrait du livre de Fabrice Milochau, Les secrets de la photo de paysage, éditions Eyrolles (ISBN 978-2-212-13826-9).

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3 commentaires “Photo de paysage : quel objectif ?

  1. « Si auparavant seuls les appareils reflex permettaient de choisir l’objectif que l’on souhaite »

    Les reflex n’ont pas été les premiers sur ce terrain, bien loin de là.

    • c’est exact, mais cet oubli est pardonnable dans la mesure ou la plupart des photographes de paysage ne fréquentent que des boîtiers reflex et boudent les télémétriques 😉

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